Un pas dans la bonne direction?

Dr Bruno Gröbli

 

Mis au point en Asie en 1990, selon les indications fournies par le fabricant, le soulier Schritt se trouve dans le commerce en Suisse depuis trois ans. Il se présente sous la forme d'une chaussure de sport normale, à la différence près qu'il lui manque la partie du talon.

Se peut-il qu'une chaussure privée d'un élément important de sa semelle présente des avantages? A en croire les déclarations de sportifs éminents dans les disciplines les plus diverses, on ne saurait s'en passer pour l'entraînement. Examinons donc les différences que présente le soulier Schritt par rapport aux chaussures conventionnelles.

Lorsque le talon touche le sol, le pas humain se trouve freiné. Le mouvement de déroulement s'effectue sur la partie extérieure du pied jusqu'à l'avant de celui-ci, et la phase de soutien se termine au moment où la partie antérieure du pied donne une poussée. Si le talon de la chaussure fait défaut, la partie médiane du pied, lors de la phase de déroulement, e st plus forte - ment sollicitée, et le mouvement de l'articulation de la cheville se trouve renforcé. Comme la partie antérieure de la semelle est surélevée, on doit «soulever» le corps au moyen de celle-ci, ce qui, aux dires du fabricant, favorise l'entraînement musculaire.

Mais ce n'est pas seulement l'articulation du pied qui subit une charge différente: une étude scientifique du mouvement a montré que le genou, dans cette nouvelle démarche, est moins tendu et l'articulation de la hanche plus fortement fléchie. L'étude prouve en outre que la démarche que le soulier Schritt oblige à adopter favorise la stabilisation du bassin. Enfin, la colonne vertébrale est moins sollicitée.

Cette nouvelle démarche entraîne une charge inégale des articulations. Cela peut avoir pour conséquence que des mouvements auparavant douloureux cessent de l'être ou le sont moins. En modifiant l'équilibre, c'est une autre partie de l'articulation qui supporte l'effort principal, ce qui décharge la colonne vertébrale. L'inconvénient est que les os du tarse sont plus fortement sollicités, et que cette charge peut être trop forte.

On ne saurait considérer le soulier Schritt comme la panacée de tous les maux de la colonne lombaire et des articulations du pied, du genou et de la hanche. Les résultats positifs sont dus en bonne partie au sentiment subjectif de soulagement ressenti par les usagers, et l'effet de renforcement de la musculature n'est pas prouvé. Aux Etats-Unis, on utilise depuis une vingtaine d'années, pour l'entraînement sportif, une chaussure dont la partie antérieure de la semelle porte une lourde plaque. Avec cette construction, qui n'est pas destinée à l'usage quotidien et ne peut donc pas être entièrement comparée au soulier Schritt, on n'a pas pu constater, lors de plusieurs études, une amélioration de la force d'accélération, ni de la souplesse de l'articulation, pas plus que de la musculature du mollet.

Aux yeux des patients et des sportifs, le soulier Schritt représente une innovation aux effets considérables. Il serait souhaitable que ces derniers soient étudiés de manière plus approfondie. C'est ainsi seulement que le soulier Schritt aura la possibilité de faire la preuve de ses avantages et de prendre place parmi les nouvelles formes de thérapie et d'entraînement.

 

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